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Découverte

Les paysages « primitifs » de JONATHAN SHEARER

Communiant littéralement avec la nature, Jonathan Shearer livre des paysages sauvages emprunts d’éternité, nous donnant à voir la beauté d’un instant avant qu’elle ne se dissipe.
Par Zoé Malet

C’est dans la nature, notamment les paysages des Highlands, que Jonathan Shearer puise toute son inspiration, au point d’avoir développé une relation intime avec les endroits sauvages qu’il traverse en Écosse, sa terre d’adoption. Son besoin de connaître un endroit avant de pouvoir le peindre le pousse à passer beaucoup de temps à marcher, à regarder et à contempler. Ce sentiment d’isolement lui permet d’être submergé dans un paysage à la résonance historique, alors même qu’il n’y a parfois aucune preuve visuelle d’humanité. La plupart du temps, Jonathan cherche des lieux inchangés par l’homme où l’on peut s’isoler complètement. « Dans mes tableaux, je tiens à transmettre toutes les sensations d’être immergé dans le paysage, le vent sur mon visage, les nuages qui enveloppent les montagnes, le bruit des branches qui craquent sous mes pieds », explique-t-il.

L’EXALTATION PURE DES LIEUX SAUVAGES

Emportant avec lui tout le matériel nécessaire, chevalet portable, petits tableaux de toile et car- net de croquis, c’est lorsqu’il est en immersion dans la nature qu’il peut commencer à peindre. Dans un premier temps, il peint sur de petites toiles, avec de la peinture à l’huile. « La vitesse est essentielle lorsque l’on travaille à l’extérieur. Si l’on passe trop de temps sur une esquisse ou une peinture, on perd le sens de ce qui se passe ». Sa tech- nique « mouillé sur mouillé », avec un mélange d’huile de lin et une alternative écologique à la térébenthine, lui offre ainsi la liberté d’appliquer la peinture et de la déplacer très rapidement, de dessiner avec la peinture et de réagir avec sensibilité au paysage. Sa peinture traduit ainsi un processus émotionnel, vigoureusement expressif. Cette technique lui permet de travailler rapidement en extérieur afin de capter la lumière au gré des marées et de l’humeur insaisissable du paysage. « En travaillant rapidement sur plusieurs tableaux à la fois, je laisse la lumière changeante, le flux et le reflux de la marée et l’ambiance insaisissable du paysage donner le rythme. Dans cette exposition, j’espère transmettre les changements de saisons dans les Highlands. La teinte de la terre pendant les jours secs et humides, les nuages qui se

rassemblent et s’envolent, leur transformation dramatique sur les montagnes, le jeu des éléments dans les endroits sauvages ».
Puis, de retour dans son atelier, il les utilise pour développer de grands formats à coup de très grands pinceaux, des chiffons et même ses doigts avec une palette de couleurs variée en fonction du sujet traité : blanc de titane, jaune citron, ocre jaune, terre de Sienne, terre d’ombre brûlée, terre de Sienne brûlée, rouge vermillon, rouge cadmium, bleu outremer, bleu cobalt, bleu céruléen, vert viridien, terra verte et, parfois, cramoisi alizarine… Pourtant, l’artiste ne tente pas de copier l’esquisse à l’huile à une échelle plus grande, « Cela ne fonctionnerait tout simplement pas, le tableau perdrait de sa vitalité ». Il utilise l’esquisse plutôt comme référence, la combinant avec ses souvenirs, pour un résultat beaucoup plus subtil. « Parfois, la peinture coule et dégouline, mais j’accepte ces effets accidentels s’ils contribuent au tableau ».

VIGUEUR ET EXPRESSION

Si, face à chacune de ses toiles, il est ainsi aisé d’identifier l’endroit peint par le peintre, chacune est également fidèle à ses sentiments et à ses réactions, ce qui lui confère une certaine intégrité. « Le résultat n’est pas nécessairement une représentation exacte de ce que j’ai vu. Et bien que mon objectif soit de capturer le moment présent, je crois aussi que ces scènes ont une qualité intemporelle ». En effet, on ne peux nier cette qualité puisque la plupart de ces paysages ne sont pas « touchés par l’homme », une sorte de « paysages primitifs » qui trouvent un écho en chacun de nous. « Parfois, j’inclus des éléments artificiels, les restes d’un mur de pierre, d’une ferme ou de quelques bâtiments agricoles, qui donnent une impression d’échelle dans l’immensité du paysage ». La puissance et la poésie des paysages sauvages et préservés que l’artiste trace sur la toile combinent ainsi à merveille perception, émotion et expression.

Revisitant des lieux à différentes périodes de l’année et dans différentes conditions météorologiques, le temps a une influence majeure dans son travail. « Habituellement, je cherche quelque chose de dramatique. Si c’est un temps calme et ensoleillé, j’ai tendance à le trouver un peu fade ». Ainsi façon- nés par le drame de la lumière et du temps, ses paysages subliment une nature sauvage et intacte. L’artiste parvient avec justesse à transmettre l’humeur et l’atmosphère de chaque scène. Ses toiles traduisent une urgence à saisir, une émotion, la beauté d’un instant avant qu’elle ne se dissipe.

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