Les innombrables bouts de papier de l’artiste coréenne forment d’incroyables paysages à la fois organiques et naturels, propices à la reconnexion au monde et aux autres.
Quel est votre processus de création ?
Je commence soit par créer un croquis, soit par jeter des dizaines de milliers de mes graines de papier sur une toile. Cette phase initiale terminée, j’envisage l’aspect sculptural de l’œuvre. Le mouvement des unités de papier et les flux de couleurs jettent alors la lumière sur de nouveaux itinéraires possibles. J’essaye de perçevoir ce que l’œuvre me demande, m’éloignant alors de mon projet initial. Avoir une « conversation » avec l’œuvre et comprendre où elle veut aller est l’une des étapes les plus importantes de mon de travail. En n’imposant pas mes idées, je fais partie de l’œuvre. Lorsque l’on regarde mon travail, il n’y a pas d’affirmation imposée mais une découverte progressive de choses apparentes et moins apparentes, toujours en évolution jusqu’à la conclusion.
Comment qualifieriez-vous votre travail ?
L’ensemble de mon travail n’explique ni ne décrit aucun thème spécifique. Ma pratique vise davantage à ne faire qu’un avec les œuvres et leur environnement, une façon pour moi de faire partie de la vie du spectateur. En créant ces liens tangibles, mes pièces sont ainsi destinées à évoquer des souvenirs, des émotions. Pour autant, cela ne signifie pas que je laisse une libre interprétation au spectateur. Il y a des années, une expérience a influencé mon travail. Mon avion a survolé la même région le matin puis à nouveau le soir. Le paysage a pris alors un aspect complètement différent en raison des changements de lumière, d’air et de température. Je savais que c’était le même paysage et pourtant, j’avais l’impression d’en regarder un autre. Cette expérience m’a immédiatement inspirée, modifiant mon approche de la création, au point de commencer à travailler sur ces paysages évoluant selon l’heure de la journée mais aussi sur des périodes différentes. Depuis, j’imagine les changements drastiques de la nature et c’est une véritable fascination ! Ainsi, lorsque j’empile des collections de graines de papier sur la toile, j’observe toujours comment la lumière diurne et nocturne interagit avec les éléments. Je découvre alors de nouvelles interactions entre mes graines, grâce à leurs formes variées et à leurs couleurs radicalement différentes, teintes à la main.
J’ai pris la liberté d’identifier mon travail comme une sculpture, non pas en raison de son apparence mais de mon processus. Dans la peinture, les matériaux existent alors que je crée les miens entièrement, sculptant les nombreuses formes de mes graines. Pourtant, en tant que peintre, je voulais pouvoir faire avec la sculpture tout ce que l’on peut faire en peinture. J’avais besoin que mes œuvres aient une présence forte mais que les matériaux restent aussi malléables et accessibles. Fabriquer ainsi tous les éléments me permet d’improviser et de dialoguer avec la pièce, comme si j’improvisais un morceau de jazz, mes graines étant l’instrument et le travail final la symphonie.