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Une technique toute en subtilité

Technique de l’instant, l’aquarelle se distingue par la transparence et la luminosité des couleurs. Considérée à tort comme une technique mineure, elle se révèle délicate à maîtriser et ouvre large champ d’application.
Par Anne Chanterelle

L’aquarelle a toujours eu un rôle à part dans l’histoire de l’art. Elle est souvent considérée comme moins « noble » que l’huile, alors qu’elle
se révèle d’une incroyable richesse. Comme cette peinture à l’eau sèche rapidement et n’impose que peu de contraintes, on la cantonne parfois à une méthode rapide pour réaliser de petites œuvres sur le vif, comme dans les carnets de voyages, alors qu’elle s’adapte à
tous les sujets : paysages, bien sûr, mais aussi portraits, natures mortes et même abstrait.

TOUTES LES ÉPOQUES

Utiliser avec des pigments dissous dans l’eau est pratiquement aussi vieux que l’humanité. À la préhistoire, nos ancêtres utilisaient une
technique semblable pour peindre les parois des grottes. Dans l’Égypte des pharaons ou la Chine des Empereurs, l’aquarelle est utilisée,
de même qu’au Moyen-Âge en Occident pour enluminer et illustrer les manuscrits. C’est à la Renaissance qu’elle est détrônée par la peinture à l’huile. Mais l’aquarelle trouve alors un nouveau champ d’application, celui des études naturalistes, à l’image de l’allemand Albrecht Dürer qui l’utilise pour représenter la faune et William Turner, le maître de la lumière Également renommé pour ses huiles,
Joseph Mallord William Turner est incontestablement l’un des plus grands aquarellistes britanniques, formé à la Royal Academy. Dès 14 ans, il prend l’habitude de parcourir la campagne avec un carnet de croquis. À 17 ans, il sillonne l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Écosse,
peignant des paysages et des marines à l’aquarelle. S’il connaît la célébrité très jeune, exposant ses tableaux à l’huile, principalement des sujets historiques, il reviendra à l’aquarelle à l’occasion d’un voyage à Venise, et son travail évoluera vers des œuvres plus lumineuses et suggestives, qui lui vaudront son surnom de « maître de la lumière ». la flore sur le papier, ainsi que des paysages. Un domaine où l’aquarelle excelle, d’une part parce que sa simplicité de mise en œuvre en fait la solution de choix pour les peintres voyageurs ; d’autre part parce que, aqueuse par nature, elle fait merveille pour rendre les éléments humides : mers et océans, fleuves, rivières, lacs et canaux, brumes et nuages… L’aquarelle est aussi la technique de choix pour les esquisses et les croquis rapides.

PLÉBISCITÉE PAR LES GRANDS

Il y a peu d’aquarellistes exclusifs. Mais, au fil des temps, pratiquement tous les grands peintres l’ont utilisée. Au XVIIe siècle, elle connaît
un regain d’intérêt, notamment en Angleterre. En France, Jean-Baptiste Isabey, portraitiste et miniaturiste célèbre à l’époque, en est un fer-vent adepte. Au XVIIIe siècle, Fragonard s’en servait pour ses esquisses. Les Impressionnistes y ont eu largement recours pour croquer la réalité en extérieur. Au XIXe siècle, des artistes majeurs tels que Rodin, Degas, Toulouse-Lautrec intègrent l’aquarelle à leurs travaux. Un siècle plus tard, Vassily Kandinsky et Paul Klee exploitent à leur tour toute la puissance de ses couleurs : leur univers artistique se marie à merveille aux pigments lumineux. Si on connaît les paysages et les natures à l’huile sur toile de Cézanne, on sait moins que le peintre provençal a laissé une importante collection d’aquarelle. La spontanéité de cette technique influencera d’ailleurs sa peinture.

SE METTRE À L’AQUARELLE

Aujourd’hui, l’aquarelle est l’outil préféré d’un grand nombre d’artistes amateurs. Il est possible de débuter avec un investissement relativement modeste, même s’il est important de choisir des produits de qualité, et il est facile de trouver des professeurs, des tutoriels et des stages. Mais attention, si l’aquarelle est simple à mettre en œuvre, c’est aussi une technique complexe, qui nécessite un véritable apprentissage. Elle suppose la maîtrise de gestes spécifiques et de savoirs, notamment sur le cycle de l’eau. Il est également difficile de se passer d’une maîtrise du dessin, pour la composition des tableaux. En outre, l’aquarelle ne permet pas aisément de corriger les erreurs ni de superposer les couches, et le comportement des pigments est parfois aléatoire. En commençant par des sujets simples, il est possible d’arriver rapidement à des premiers résultats satisfaisants. Ensuite, il appartient à chacun de progresser… sans oublier de se faire plaisir.

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