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SAVOIR DESSINER, UNE AUTRE VISION DE LA FORMATION

Depuis 2017, l’école d’art Savoir Dessiner développe un apprentissage des pratiques artistiques ouvert et accessible à tous. Arthur Tiar, l’un des deux fondateurs, partage sa vision axée sur l’autonomie et la découverte.
Par Christian Charreyre

En parallèle de leur carrière d’artiste professionnels, Maxime Penaud, 31 ans, et Arthur Tiar, 33 ans, ont toujours enseigné. Forts de leurs expériences, ils ont imaginé un école différente et adaptée aux contraintes de la vie parisienne, offrant un maximum de souplesse et visant à casser les freins et les limites que beaucoup d’amateurs s’imposent. Chaque semaine, ils accueillent près de 1.000 élèves dans des ateliers fonctionnels et conviviaux. Leur troisième adresse vient d’ouvrir dans le XIe arrondissement.

Comment avez-vous été amené à créer votre école ?

Je suis passé par Émile Cohl à Lyon, où j’ai rencontré Maxime, et les Beaux-Arts de Paris où nous sommes allés tous les deux. En parallèle de mes études, j’ai commencé à enseigner dans différents ateliers parisiens, des écoles préparatoires et des écoles supérieures. J’ai adoré donner des cours amateurs. Maxime m’a rejoint dans cette aventure. Nous avons eu beaucoup d’élèves, de tous les âges, de tous les niveaux, qui nous renvoyaient une énergie incroyable. Cela nous a poussés à nous questionner sur ce que nous faisions, pourquoi nous le faisions, y compris dans notre pratique artistique personnelle, et, une fois notre diplôme en poche, à prendre notre premier local en 2017 dans le XVe arrondissement parisien et à ouvrir notre propre école de dessin. Pour nous, Savoir Dessiner est un projet artistique à part entière. Nous y mettons la même énergie, le même rapport à la création.

Quelle est votre approche pédagogique ?

Nous avons beaucoup réfléchi à ce qui se passe dans l’enseignement de l’art en France pour proposer quelque chose dans lequel les élèves et nous-mêmes pouvions totalement nous épanouir. Depuis le début, l’idée a toujours été de rendre la pratique accessible à tout le monde, à toute personne qui pousse notre porte, et de leur proposer une expérience qui leur permette de s’exprimer. Tout le monde dessine, ou du moins a dessiné dans sa vie. Si l’on s’arrête, c’est que, à un moment ou un autre, on commence à regarder ce qu’on l’on fait et il y a une frustration quant au résultat. Notre rôle, c’est de « réparer » cette petite frustration pour redonner du plaisir, de l’élan qui va permettre de se remettre au travail et d’aller explorer toutes les possibilités du dessin et de la peinture, comme points d’entrée de la créativité.

Que proposez-vous et pour quel public ?

Savoir Dessiner est une école de pratique amateure. Il ne s’agit pas d’un cursus diplômant. Nous avons essayé de construire le modèle le plus flexible possible, avec des cours du lundi au dimanche, matin, midi et soir. Quand vous êtes inscrits chez nous, vous n’êtes pas inscrits à un cours en particulier mais à tous les ateliers, soit avec un carnet de séances, soit avec un abonnement. Et vous choisissez comme vous le souhaitez. Nos trois ateliers parisiens sont d’abord des espaces d’apprentissage pratique mais aussi des lieux où les gens viennent se rencontrer, échanger en petits groupes. Nous avons des élèves de tous les âges et de tous les niveaux, passionnés, intéressés ou simples curieux, déjà pratiquants de la peinture et du dessin ou non.

N’est-ce pas compliqué de ne pas proposer de cursus ?

Ce n’est évidemment pas simple d’un point de vue pédagogique. Mais nous nous adressons à un public loisir. Nous devons leur proposer des choses qui collent à leur emploi du temps, qui sont faciles d’accès, qui ne sont pas trop chères, qui leur permettent de s’inscrire en cours d’année, de rater une séance… Il y a beaucoup de contraintes dans une ville comme Paris, il faut être flexible. Aujourd’hui, la question de l’engagement n’est pas possible pour tout le monde. Nous nous sommes donc dit que c’était à nous de nous adapter à notre public, de former des gens pour accompagner les élèves, que ce soit sur un seul cours ou sur cinq ans.

Vos élèves sont-ils de tous les niveaux ?

Oui, mais nous avons une vision un peu différente de ce qu’est le niveau d’un élève. Cela ne se mesure pas à la maîtrise mais à l’autonomie. Quelqu’un qui est devant une feuille blanche et qui est en mesure de se lancer et de produire quelque chose à un niveau intéressant, même s’il n’est pas particulièrement technique. Et, inversement, pour quelqu’un qui est capable de reproduire de manière hyperréaliste un objet qu’il a devant les yeux mais qui ne sait pas quoi faire par lui-même, il y a encore beaucoup de travail pour le rendre autonome par rapport au dessin et à la peinture. Nous avons des débutants et des gens qui nous suivent depuis des années.

Qui sont vos enseignants ?

Outre Maxime et moi, nous avons une dizaine de professeurs. Tous sont des artistes professionnels, peintres, dessinateurs, illustrateurs, plasticiens, qui consacrent entre un cinquième et un tiers de leurs temps à l’enseignement. Ils viennent une, deux, trois fois par semaine partager leurs expériences avec les élèves, de manière très individualisée. Nous abordons toutes les techniques de dessin et de peinture, toutes les approches. Nous abordons aussi les pratiques connectées, la gravure, le monotype, la bande dessinée, l’édition…

Comment sont organisés les cours ?

En atelier, chaque professeur est le maître d’œuvre de ce qu’il propose. Nous partons de la technique, en donnant aux élèves des éléments simples. Mais nous essayons surtout de démystifier la technique, de la relativiser. Au début surtout, on essaie de ne pas aborder un sujet comme « l’art de l’aquarelle » pour décomplexifier les choses, les désacraliser avant de les recomplexifier.

Vous ne proposez pas de formations au concours ?

Nous le faisons, mais sur demande uniquement. Parfois, ce sont des parents qui prennent des cours chez nous dont les enfants se destinent aux écoles. Quasiment tous nos professeurs sont diplômés des Arts Déco ou des Beaux-Arts. Nous avons passé des concours, nous connaissons parfaitement le fonctionnement de la machine. Aujourd’hui, ce n’est pas notre créneau mais ce n’est pas impossible que cela s’intègre à l’avenir.

Vous proposez également des cours en ligne…

Nous avons commencé en raison de la situation sanitaire. Même si nous étions un peu inquiets, nous étions également très excités d’explorer ce nouveau domaine. En mars dernier, nous avons réagi avec Maxime en mettant du contenu gratuit en ligne sur Instagram, Youtube… C’est un outil pédagogique qu’il faut adapter pour ne pas proposer la même chose que dans la vraie vie. En ligne, on voit le travail du professeur de près ;, c’est précieux pour débloquer des choses techniquement. Le projet était vraiment intéressant et nous avons développé toute une plateforme complète et riche, avec des centaines de cours en direct, en streaming, en petits groupes… Un sorte de Netflix de l’apprentissage du dessin et de la peinture, avec un abonnement de 19 euros par mois sans engagement.

Au-delà des cours, avez-vous développé des services complémentaires ?

Nous avons une boutique, physique et en ligne, dans laquelle nous vendons une sélection de matériel. Dans notre logique de médiation, de vulgarisation de l’accès au dessin et à la peinture, il était important d’expliquer aux gens comment choisir le matériel, comment l’utiliser. Un autre point clé, c’est de pouvoir se rencontrer et montrer son travail. Dans notre nouvel espace du XIe arrondissement, nous avons donc créé un café qui est un mini-centre culturel. En novembre, nous présentons une première exposition avec tous nos professeurs, dont certains sont des habitués de lieux prestigieux. Ensuite, nous organiserons d’autres événements, avec des artistes invités, les travaux de nos élèves…

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