L’acrylique est encore trop souvent considérée comme un médium moins noble que l’huile ou moins technique que l’aquarelle. Ce n’est pas rendre justice à cette peinture adoptée par de nombreux artistes pour sa simplicité mais aussi ses qualités propres.
Par Christian Charreyre
Si la peinture à l’huile est née chez les peintres flamands aux XIIIe et XIVe siècles et s’est développée au fil des siècles, l’acrylique est une peinture des temps modernes. Elle prend naissance au milieu du XIXe siècle en Allemagne, dans les premiers temps de la chimie industrielle. Les scientifiques découvrent une résine synthétique produite par polymérisation de l’acroléine. Ce n’est que dans les années 1930 que les premières peintures acryliques industrielles voient le jour, pour l’industrie automobile et le bâtiment. Pollock et de Kooning s’en servent de manière expérimentale. Au Mexique, des chimistes de l’Institut National Polytechnique de Mexico, en collaboration avec les maîtres peintres mura- listes de l’époque comme José Orozco ou Diego Rivera, mettent au point au début des années 1950 une peinture adaptée aux fresques.
La première peinture acrylique spécifiquement conçue pour les Beaux-Arts apparaît aux États- Unis en 1949, sous la marque Golden. Elle offre un rendu très brillant mais ne se mélange qu’avec l’essence de térébenthine. Rothko en est l’un des premiers utilisateurs. En 1956 sort la première peinture acrylique à l’eau, sous la marque Liquitex. Elle devient rapidement populaire auprès des artistes contemporains et des restaurateurs d’œuvres d’art. Pierre Alechinsky la découvre à New York en 1965 et la rapporte en Europe.
ADOPTÉE PAR LES PLUS GRANDS
Des peintres célèbres ont rapidement pris conscience des qualités uniques de l’acrylique. On peut ainsi citer David Hockney ou Helen Frankenthaler parmi les premiers à s’y être intéressés, à l’avoir adoptée et à en avoir exploité les caractéristiques. « En 1963, Helen Frankenthaler a commencé à utiliser de la peinture acrylique plutôt que de l’huile diluée à l’essence de térébenthine, ce qui a entraîné l’expansion des formes et la production de couleurs plus audacieuses et plus saturées. Les gouttes et éclaboussures sont devenues des taches, à partir d’un centre aux couleurs vives », explique Car
ter Ratcliff, auteur du catalogue de la collection Phillips. Mark Rothko pour sa part a notamment créé une série de toiles sans titre où il a utilisé l’acrylique pour développer des éléments formels comme le ton, la profondeur, la couleur et la perspective. Les propriétés de l’acrylique ont permis d’explorer les couleurs pures. Cette tech- nique est ainsi très appréciée par les artistes du courant Pop Art, comme Roy Lichtenstein. De même, Andy Wahrol a utilisé l’acrylique pour sa série emblématique des Campbell Soup Can, appréciant la facilité pour créer des lignes nettes et précises. Il a également utilisé l’acrylique pour des sérigraphies, comme sa célèbre Marylin. Aujourd’hui, des artistes contemporains reconnus, comme Lubaina Himid et Katherine Bernhardt, en sont des adeptes convaincues.
UNE SOUPLESSE REMARQUABLE
La peinture acrylique a des propriétés véritablement uniques. Si l’acrylique utilise des pigments d’origine minérale ou organique, naturels ou synthétiques, similaires à ceux de la peinture à l’huile, le liant est une émulsion d’eau et de résine. Ne comportant pas de solvants chimiques, contrairement à la peinture à l’huile, son utilisation est moins nocive, notamment dans les espaces clos. Comme le mélange est
à base d’eau, il est facile de modifier sa consistance. L’acrylique peut être utilisée en couches épaisses pour créer un effet similaire aux peintures à l’huile, ou diluée pour obtenir des effets proches de l’aquarelle. L’acrylique sèche rapidement, permettant de travailler en superposition. On peut modifier l’apparence, la dureté, la flexibilité, la texture et bien d’autres caractéristiques de la surface de la peinture en utilisant des médiums adaptés. Elle peut être appliquée sur n’importe quelle surface, toile, papier, bois… et utilisée avec de nombreux outils, pinceaux, rouleaux, couteaux, palettes… Elle permet également de créer un effet d’éclaboussures, semblable à ceux de Jackson Pollock dans ses œuvres iconiques, par simple projection. L’acrylique est légère, permanente et facile à manipuler. Elle est résistante à la lumière, donc elle ne s’estompe pas suite à une exposition lumineuse. Elle est également résistante à l’eau une fois séchée et ne se fissure pas avec l’âge.
UNE QUALITÉ QUI S’AMÉLIORE
« L’une des raisons pour lesquelles, historiquement, les gens ne travaillaient pas avec l’acrylique, c’est que lorsqu’elle a été créée, les peintures étaient vraiment crayeuses, très mates et peu pigmentées. Mais les choses ont changé. Au fil du temps, c’est devenu un matériau exceptionnellement fiable et vibrant. Au fur et à me- sure que les gens découvrent ce qu’ils peuvent en faire, ils acceptent de plus en plus la peinture acrylique comme un médium professionnel de qualité », précise Rhéni Tauchid, artiste et auteure du livre Acrylic Painting : Mediums and Methods (non traduit). La qualité de l’acrylique a évolué avec l’évolution des plastiques. Par exemple, grâce aux progrès des plastiques trans- parents, les peintures acryliques offrent maintenant des teintes claires et saturées. Aujourd’hui, l’acrylique est le type de peinture le plus utilisé par les artistes, un peintre sur deux en France. Alors, pourquoi pas vous ? t