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Il faut que ça bouge…Pas si simple !

Comment rendre le dynamisme du mouvement sur une représentation par nature fixe ? Une question qui traverse l’histoire de l’art depuis toujours. Danseurs, sportifs ou même, simplement personnages en action ont inspiré peintres et dessinateurs depuis la nuit des temps.

Depuis la plus haute antiquité, les artistes ont cherché à représenter le mouvement humain. Pour les Égyptiens, il s’agissait de reproduire dans le monde sombre de la mort des scènes de la vie du défunt – chassant, pêchant, récoltant du blé –, preuve symbolique de la survie de l’âme après la mort. Chez les Grecs, il ne s’agit plus de culte mais d’anecdotes inspirées par la mythologie ou du quotidien, reproduites sur des vases, en noir et blanc sur le fond ocre de la terre cuite. Les contraintes techniques pour la restitution du mouvement sont multiples : d’une part la surface du vase ou de l’amphore, plus ou moins courbe ; d’autre part le nombre limité de couleurs. Ces représentations du mouvement dans l’Antiquité se perpétuèrent durant des siècles jusqu’à l’arrivée du christianisme. Selon le dogme et l’époque, le rire, la danse et le mouvement semblent inappropriés pour les croyants, sauf lorsqu’il faut représenter le paradis (dans la joie) ou l’enfer (dans la douleur). Dans l’art religieux, les personnages nous font face avec gravité et profondeur.

L’apport de la Renaissance
C’est, encore une fois, à la Renaissance que l’on redécouvre le bonheur simple du mouvement. Les peintres flamands, les Bruegel en tête, nous donnent à voir les scènes de la vie quotidienne, entre fêtes paillardes et scènes pastorales, en passant par les ballets harmonieux de personnages patinant sur les canaux gelés de Flandre. Cette analyse du mouvement par les peintres se poursuit au fil des siècles, fournissant le prétexte à l’étude de l’anatomie et des principes essentiels comme le déhanchement praxitélien. Cet enseignement, parvenu jusqu’à cette époque grâce aux statues antiques ou aux fresques romaines, a servi de modèle aux peintres italiens du XVIe siècle, comme Raphaël, qui a inspiré de nombreux successeurs, notamment Edward Burne-Jones en Angleterre au XIXe siècle. Dans son tableau préraphaélite The Golden Stairs, le peintre anglais semble avoir analysé et décomposé le mouvement de femmes descendant un escalier. Visiblement influencé par le dessin et les tableaux de Botticelli, Burne Jones s’est attaché à dessiner les moindres détails des plissés de robes légères en étudiant toutes les variations possibles dans la position des jambes et des pieds, des bras et des mains, corps penchés et inclinés. Si les
modèles utilisés pour réaliser cette peinture étaient des inconnues, l’artiste a choisi des
jeunes femmes de son entourage pour dessiner leurs visages.

Sujets réalistes
Des peintres réalistes, comme Caillebotte, ont préféré s’intéresser aux gestes professionnels (artisans, ouvriers, paysans). Dans de nombreux tableaux, Millet retrace des scènes de la vie quotidienne des paysans, les gestes banals des ouvriers, comme ces glaneuses, dont le mouvement du corps est décomposé en phases successives. Les ouvriers ont également été au cœur du travail de nombreux autres peintres du XIXe siècle. La mine, l’usine, la batellerie et d’autres secteurs ont fourni des sujets forts et expressifs. Dans le tableau de Gustave Caillebotte reproduit ci-contre, on sent toute la sueur et l’effort que doivent fournir ces ouvriers rabotant un plancher dans un appartement parisien. L’extrême réalisme de Caillebotte était renforcé également par son utilisation de la photographie.

Alors on danse…
Pour de nombreuses raisons, pas toutes franchement avouables, la danse, et plus particulièrement les danseuses, ont fasciné les artistes, surtout au XIXe siècle. Le plus célèbre est évidemment Edgar Degas, surnommé le « Peintre des danseuses » par Manet et qui a consacré un grand nombre d’œuvres à ce sujet. Bien plus qu’un regard de spectateur, Degas peint les coulisses et les répétions des danseuses étoiles de l’Opéra de Paris. Il souhaite retracer le dur labeur de ces femmes. Malgré des peintures statiques, il donne au travers des compositions, des sujets et des lignes de fuite, une impression d’intemporalité et de mouvement. Ce dernier est suggéré, par le thème et par la nature même du sujet. Rodin, quant à lui, éprouve le désir de saisir les mouvements de l’âme à travers ceux du corps. Cela explique son engouement pour la danse, qui constitue l’une des sources majeures de son inspiration et qu’il préfère à la séance de pose traditionnelle. Toutefois, à la différence d’un artiste comme Degas, Rodin ne s’intéresse pas aux ballets classiques, et leur préfère les expérimentations de Loïe Fuller, Isadora Duncan, Nijinski et les Ballets Russes, qui libèrent la danse de ses artifices et conventions et conquièrent une liberté nouvelle.

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