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à la manière de…

Vincent van Gogh Les Iris

Fin 1888, à la suite d’une dispute avec Gauguin, Vincent van Gogh (1853-1890) se tranche l’oreille. Des crises hallucinatoires répétées au cours des premiers mois de 1889 le conduisent à entrer dans l’établissement psychiatrique de Saint Paul de Mausole à Saint-Rémy-de-Provence. Van Gogh voit alors dans la création artistique son seul exutoire. « La peinture est le paratonnerre pour ma maladie », dit-il. Dès son arrivée, il choisit les iris en fleurs plantés dans le jardin de l’établissement.

Une puissance évocatrice
Pourquoi peindre les iris ? Simplement parce qu’ils étaient présents dans le jardin de l’asile de Saint-Rémy. Van Gogh contemplait la nature autour de lui et l’a représentée. Rien d’étonnant alors que la couleur violette intense des iris qui étaient en pleine floraison en mai ait inspiré le peintre. Cette toile est ainsi saisissante à la fois par sa composition, sa puissance évocatrice et son chromatisme radical. Il s’agit bien de l’enchevêtrement caractéristique d’un massif d’iris. Les fleurs, présentant des caractéristiques communes mais des formes différenciées, émergent des feuilles allongées aux multiples courbures. Contrairement aux œuvres florales impressionnistes dans lesquelles les plantes sont des taches de couleur sans forme, celles-ci sont soigneusement étudiées pour leurs formes et individualisées. On découvre ainsi une variété infinie de silhouettes courbes, une nouvelle source de mouvement, dans ce qui aurait pu facilement devenir une répétition ornementale statique du même motif. En effet, van Gogh a longtemps observé les mouvements naturels des tiges et des pétales, réussissant à capturer et reproduire avec précision des silhouettes courbes très différentes, pour une représentation formelle réaliste et forte. La force de l’image provient de la capacité de l’artiste à capter l’essentiel et à le restituer : entrecroisements des feuilles, fleurs éclatées, lignes ondulées, flamboyantes, tordues et bouclées, brisées et pointues. En outre, les couleurs constituent l’élément de liberté du peintre. Sa subjectivité se mêle au réel afin d’accentuer les contrastes et de créer un espace pictural d’une intense luminosité. Les feuilles, traitées dans un vert nettement plus clair que les véritables feuilles d’iris, mettent en valeur le bleu intense des pétales. Le rapport entre les couleurs et surtout entre les couleurs complémentaires était un aspect particulièrement important pour l’artiste. Les complémentaires que van Gogh utilise ici abondamment lui permettent d’accentuer encore l’impression lumineuse de l’ensemble : le pistil des fleurs forme de petites taches jaunes au milieu du bleu ; les soucis oranges à l’arrière-plan apparaissent dans le vert du feuillage ; la terre ocre contraste avec le vert des feuilles d’iris. Et au milieu de ce parterre, une seule fleur blanche apparaît, un iris majestueux, permettant d’apprécier l’importance du choix du peintre.

Un chromatisme radical
L’artiste a choisi un angle inhabituel pour cette toile. En effet, les fleurs remplissent presque toute la surface de la toile, invitant le spectateur à s’accroupir au milieu des fleurs. L’image n’est ni figée, ni statique, la composition étant disposée de telle sorte que le regard se dirige naturellement en diagonale, vers le haut gauche du tableau. On remarque également une certaine symétrie. Ainsi, la la terre ocre au premier plan s’équilibre avec les soucis oranges à l’arrière-plan. De même, l’iris blanc à gauche et l’iris bleu pâle à droite maintiennent l’horizontale de la toile. Comme beaucoup de travaux de van Gogh et de ceux d’artistes de son époque, le tableau est également influencé par les peintures japonaises ukiyo-e. Les estampes japonaises étaient pour le peintre comme un modèle d’expression de l’art non dilué, non corrompu par les méthodes de description occidentales. On retrouve ainsi dans Iris la même esthétique enchanteresse, la même clarté et subtilité des lignes élégantes, la même nuance continue avec la couleur. Van Gogh utilise une palette vive, omet l’horizon et expérimente un cadrage inhabituel… tout en ajoutant sa touche et avec une pincée d’impressionnisme, sans que cela nuise à l’harmonie de l’ensemble. Aucune « tension » que l’on retrouve dans ses œuvres ultérieures n’apparaît dans cette toile, particulièrement sereine. Van Gogh peint les fleurs avec admiration et joie, soulignant magistralement l’énergie et le mouvement des fleurs. L’artiste considérait pourtant cette peinture comme une étude, alors que son frère Théo a rapidement compris qu’il s’agissait d’un tableau important et l’a soumis à l’exposition annuelle de la Société des artistes indépendants en septembre 1889, avec un autre tableau, La Nuit étoilée sur le Rhône. « Comme il a bien compris la nature exquise des fleurs ! », écrira d’ailleurs le critique d’art Octave Mirbeau et premier propriétaire du tableau.

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