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Rencontres

L’envoûtante jungle de Mathilde Barazer de Lannurien

Aussi vibrantes que luxuriantes, les œuvres oniriques à la force poétique de cette artiste singulière révèlent son engagement.

La palette de couleurs vives saturées au rendu intense sublime un monde à l’état sauvage où fusionnent une multitude d’éléments réalistes et fantasmés. Nous touchant par son style singulier, l’artiste livre un univers poétique et nous interpelle à travers une mise en abyme onirique. Envoûtant, la faune et la flore « rêvées » qui habitent les toiles de Mathilde Barazer de Lannurien, témoins de sa passion et de son engagement, révèlent également la fragilité de la nature et l’urgence de la protéger.

L’ADN artistique familial se retrouve-t-il dans vos travaux ?
Oui et non, car je n’ai pas la prétention de me mettre à leur niveau qui est un cran au-dessus du mien. J’ai grandi entouré des portraits hyper réalistes de mon arrière-grand-père, Bernard Boutet de Monvel, et des illustrations infantiles de son père Maurice. Tous avaient un trait très précis qui se retrouve dans mon travail. L’ADN artistique familial je suppose [rire]. J’aime la précision et je laisse peu de place au flou, que je ne maîtrise pas d’ailleurs. J’ai besoin que l’on identifie immédiatement le sujet. En revanche, côté couleurs, je prends des libertés que ne prenait clairement pas ma famille. Sans doute ai-je hérité de mon arrière grand-mère, l’épouse du portraitiste qui, après la disparition tragique de son mari [Bernard Boutet de Monvel était dans le même avion que Marcel Cerdan, NDLR], a délaissé ses tenues sombres au profit de la couleur, se teintant les cheveux en rose, en bleu… Même le caniche
royal était assorti [rire]. En outre, je n’utilise pas l’huile mais l’encre acrylique sur toile.

Vous êtes très précise au niveau du trait et plus libre pour la couleur. Pourquoi ce choix ?
Pour moi, la couleur est très importante et l’a toujours été car elle représente la vie, la joie, le présent. Néanmoins, lorsque j’étais styliste avant de me consacrer à la peinture, un « vrai » métier pour ma famille d’artistes [rire], le week-end, je peignais à mes heures perdues en
utilisant des couleurs très premier degré. J’ai ainsi réalisé des New York dans des tons gris et froids pour le côté béton. Ce n’est qu’avec « Fenêtre sur jungle », une série où la faune et la flore figuratives sont traitées très premier degré, que j’ai utilisé des couleurs saturées. J’ai besoin de ce contraste fort, qui a glissé doucement vers la série « Artificial Life » avec des couleurs très puissantes, joyeuses mais dangereuses et toxiques, symbolisant ces animaux en captivité maintenus en vie artificiellement. Un sujet fascinant, de plus en plus d’actualité, qui me tient réellement en cœur depuis toujours. À travers ce travail, je pointe l’urgence de la situation sans être dans le jugement.

Comment définissez-vous votre style ?
N’ayant pas fréquenté les Beaux-Arts, je n’ai pas un schéma classique et je ne souhaite pas m’inscrire dans un mouvement. J’apprécie de me sentir libre. D’autant que mon style évolue. J’ai commencé par un travail très réaliste, voire premier degré, qui est ensuite devenu plus
onirique et glisse désormais vers le surréalisme.

Pourquoi la jungle vous inspire-t-elle autant ?
Cette inspiration me vient d’un tableau de mon arrière grand-père, Diane et Actéon. Lorsqu’il est mort dans cet accident d’avion, mon arrière-grand-mère a gardé l’atelier et la maison dans laquelle ils vivaient en l’état pendant des dizaines d’années. À 18 ans, pour mes études, je me suis installée chez ma grand-mère, unique fille du couple. En arrivant dans ce « Titanic » de 1949, j’ai mûri dans cet univers, au milieu des toiles. Quand ma grand-mère nous a quittés, tous les tableaux ont été vendus, un crève-cœur pour moi, particulièrement Diane et Actéon. Ainsi est né Jungle, un Diane et Actéon « à ma sauce»… sans Diane, Actéon et les chiens. Cela m’a permis de faire le deuil de l’œuvre de mon aïeul. Et j’ai pris un tel plaisir en peignant Jungle que j’ai eu envie de continuer dans cette veine… avec d’abord des couleurs saturées mais assez sages.

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